L'Iran, loin des yeux, près du cœur

Une rencontre avec Camille Juzeau et Anahid Djalali (Loin de l’Iran, près de nos sœurs), Darya Djavahery-Farsi (chercheuse, association Neda d’Iran), Jean-Pierre Perrin (grand reporter, auteur) animée par Clea Chakraverty le vendredi 9 février.

Le 16 septembre 2022, Mahsa Jina Amini meurt après avoir été détenue par la “police de la moralité”. Une martyre sur la longue liste des mort·es pour la liberté, le symbole incommensurable de la douleur et des espoirs d’un peuple, entre tyrannie politique, soif de libertés et confinements de l’exil.

« Comment appréhender l'Iran en 2023 ? Que nous dit ce pays de nos propres révolutions, intimes et politiques ? Plus d'un an après la révolution « Femme, Vie, Liberté » qui a bouleversé le monde, et qui continue de faire vibrer la population iranienne et ses soutiens contre le régime des mollahs, venez écouter Anahid Djalali, Darya Djavahery-Farsy, Camille Juzeau et Jean-Pierre Perrin.
Nous entendrons les voix des créatrices du podcast Loin de l'Iran près de nos sœurs, mais aussi leurs paroles intimes, ainsi que celles peut-être plus distanciées, d'un grand reporter qui a parcouru durant des décennies ce pays, la région et ses contours géopolitiques.
Comment la situation de l'Iran peut-elle aussi révéler un autre rapport au monde ? Comment l'intime est-il profondément politique et comment les émotions peuvent-elles nous amener à la révolution ? Autant de questions qui laissent aussi entrevoir que malgré les obscurantismes, subsistent encore la poésie et l'espoir. »
― Clea Chakraverty

« Le crime de Chiraz.
Le crime n’a pas été commis en catimini mais sur la place Chogan, dans la gracieuse Chiraz. Pauvre Chiraz. Le 18 juin 1983, la foule les a vues partir l’une après l’autre dans la belle lumière de l’aube. Elles étaient dix, dix femmes, dont sept n’avaient pas 30 ans. Elles ont été pendues l’une après l’autre pour qu’elles voient leurs amies mourir, que le châtiment soit encore plus cruel. Ezzat Janam a été exécutée après sa fille Roya – et deux jours après son mari. La dernière était la plus jeune. Mona Mahmounedjad avait 17 ans. Sur une photo, on la voit danser, tête nue, dans une robe traditionnelle très colorée et il émane d’elle, de son sourire, de ses yeux, de toute sa personne, une joie extraordinaire.
Mais pour le juge du tribunal islamique, l’hodjatoleslam Ghaza’i, Mona était une bah’aie, une foi qui interdit tout prosélytisme, prône la tolérance, la non-violence et l’égalité entre hommes et femmes mais qui est interdite parce que née après l’islam. Elle devait donc se convertir ou mourir. Prison à 16 ans, tortures, dont la terrible falaqah, qui consiste à frapper la plante des pieds de la victime à l'aide d'un câble ou d'un fouet, puis le gibet.
Aucune des dix femmes de Chiraz n’a accepté d’abjurer sa foi. Mona choisira d’être la dernière afin de prier pour ses amies exécutées. On la verra embrasser la corde. Son corps ne sera pas rendu à ses parents. Je n’ai trouvé dans aucun des nombreux livres sur l’Iran quelques lignes qui parlent d’elle. Je le fais ici… les larmes aux yeux. »
― Jean-Pierre Perrin

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Photos © Sébastien Durand

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